Artiste | George Orwell (Eric Blair de son vrai nom) |
Œuvre | 1984 |
Date de création | 1948 |
Média | Roman |
(couverture : peinture de Georges Rohner, L’homme et la machine)
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Principales caractéristiques |
Roman d’une grande complexité et s’offrant à diverses analyses, 1984 n’est pas une œuvre qui peut se décrire en quelques lignes. Considéré comme le plus grand écrivain politique du xxe siècle en Grande-Bretagne, George Orwell dépeint dans son livre écrit en 1948, une société totalitaire et déshumanisée qu’il projette en 1984. Avec une compréhension profonde du désir de pouvoir et de contrôle des hommes, l’auteur brosse le tableau d’un monde où Big Brother, image d’une administration omnipotente travaillant dans l’ombre, s’immisce et contrôle tout : les attitudes, les pulsions et jusqu’aux pensées de chaque individu. C’est dans un système machinal et insensible que le langage est volontairement atrophié et que l’histoire est réécrite dans le but d’éliminer toute forme de subversion, d’éliminer jusqu’au concept même de subversion. Celui qui ne connaît pas les termes pour exprimer son désaccord ne peut tout simplement pas songer au désaccord. Big Brother détruit toutes cultures jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des êtres dociles privés de toute personnalité propre, aliénés de l’essence même de leur humanité. Ne se voulant pas une œuvre prophétique, l’auteur nous fait voir une des issues possibles de la bêtise humaine et nous lance ainsi un avertissement quant au futur du monde. Comme le dit O’Brien, l’un des personnages de ce livre, « Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain…éternellement. » 1
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Situation dans l’ensemble de l’œuvre de l’artiste |
Né dans une famille bourgeoise aux moyens modestes 2, Eric Blair est quelque peu mis à l’écart par les autres élèves de sa classe, plus fortunés. On comprendra que cette situation aura tôt fait de le dégoûter de cette classe sociale qu’il jugera condescendante, méprisante et bourrée de préjugés. Puis en 1922, il s’engage dans la police impériale birmane 3 où il assistera en premières loges au spectacle des injustices sociales et aux conséquences de l’impérialisme anglais. Là prend naissance un amour pour le prolétariat et la classe ouvrière qu’il considère plus noble et qu’il côtoiera une bonne partie de sa vie. Il aura en effet vécu, de 1928 à 1934, une vie de vagabondage dans une grande pauvreté en travaillant ici et là 4 pour subvenir à ses besoins. C’est de ses expériences personnelles qu’il retient ses convictions et dont il s’inspire pour écrire. Il publiera en tout neuf livres, une multitude d’articles, de chroniques et d’essais tous plus ou moins ancrés dans le combat politique et inspirés de sa vision des choses. Neuvième et dernier roman de George Orwell, 1984 est sans conteste son plus grand chef d’œuvre, suivi de près par La ferme des animaux. |
Situation dans le contexte socio-historique |
L’œuvre 1984 est directement issue des grands bouleversements européens de la deuxième guerre mondiale. L’auteur écrit ce livre à l’heure où la société s’interroge sur la redéfinition du mode d’organisation de la communauté. Très peu influencé par les courants de pensées dominants à son époque, Eric Blair se forgera lui-même une opinion en s’impliquant grandement dans la société et dans la politique. Désireux de combattre le fascisme, il s’engagera entre autres en 1936 dans le P.O.U.M. (parti ouvrier d’unification marxiste). Il constatera alors que l’anéantissement du fascisme et la libération de l’Espagne, qui devraient être des objectifs louables, ne sont en fait que des prétextes pour l’obtention du pouvoir. Le totalitarisme de Staline le scandalisera et il fuira finalement la guerre. Profondément écoeuré par la propagande et la soif de contrôle des hommes, il se soulèvera contre toute forme de totalitarisme, que ce soit fasciste ou communiste 5 . Les inquiétudes d’Eric Blair quant aux profonds changements du monde à cette époque transparaissent, en particulier lorsque le personnage principal, Winston Smith, fait la découverte d’une boutique d’antiquités. Les objets qu’il y trouve sont, de toutes évidences, des symboles d’une sensibilité humaine disparue. D’autres événements historiques viendront également influencer l’écriture de son roman. Les nouvelles technologies de reproduction, la photographie et l’avènement de la télévision et du cinéma le mèneront, entre autres, à imaginer un système de contrôle grandement basé sur l’image. On n’a qu’à penser au télécran qui épie en permanence l’intimité des personnages ou encore au pouvoir dissuasif du lourd regard omniprésent et sans mot de Big Brother. |
Conclusion |
1984 a eu un impact indéniable sur notre façon d’anticiper l’avenir. Maints auteurs ont fait le parallèle entre le 1984 fictif de George Orwell et notre époque réelle. Malheureusement, beaucoup trop de rapprochements peuvent être faits 6. L’image de ce monde sombre aura été plusieurs fois brandie dans les débats pour l’obtention d’un système plus équitable. Peu nombreux sont ceux qui ne connaissent pas le sens de l’expression « scène orwellienne 7 » en référence à une situation actuelle et les termes Big Brother sont fréquemment utilisés lorsque des libertés sont menacées. Ses écritures seront associées à des artistes préoccupés eux aussi par des questions humaines. On n’a qu’à penser par exemple à Georges Rohner ou James Ensor, pour ne nommer que ceux-là, qui ont vu leurs oeuvres utilisées pour les pages couverture de ses romans. Encore aujourd’hui, ses idées nourrissent l’inspiration de beaucoup d’autres artistes, comme lui, inquiets du sort du monde. L’œuvre de George Orwell nous fait réfléchir sur la nature de l’homme, sur notre rapport avec la nature, notre rapport avec la culture et sur les valeurs qui guident nos choix. Notre monde actuel n’est certes pas aussi totalitaire que l’écrivait George Orwell, mais une mainmise se fait tout de même sentir, plus sournoise, mais tout aussi terrifiante. D’une grande lucidité, mais demeurant néanmoins une fiction, les propos de ce roman portent certainement un message qui reste toujours d’actualité. |
1 Orwell, George, 1984, Gallimard, p.377 3 Voir à ce sujet http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Orwell 4 Voir à ce sujet Davidson, Peter Hobley, George Orwell : a literary life, St.Martin’s Press, p.30-37. 6 Voir à ce sujet Savage, Robert L., Combs, James E, Nimmo, Dan D., The orwellian moment : hindsight and foresight in the post 1984 world, University of Arkansas Press, p.88-89. 7 Voir à ce sujet Hitchens, Cristopher, Why Orwell matters, Basic Books, p.5.
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Bibliographie | Bouchard, Guy, Rocque, André, Ruelland, Jacques G., Orwell : trois approches, Bellarmin, Montréal, 1988, 275 pages. Chilton, Paul Anthony, Aubrey, Crispin, Nineteen eighty-four in 1984 : autonomy, control and communication, Comedia, London, 1983, 120 pages. Davidson, Peter Hobley, George Orwell: a literary life, St.Martin’s Press, New York, 1996, 175 pages. Hewitt, Marsha, 1984, and after, Black rose books, Montréal, 1984, 234 pages. Hitchens, Christopher, Why Orwell matters, Basic Books, New York, 2002, 209 pages. Jarry, Isabelle, George Orwell: cent ans d’anticipation, Stock, Paris, 2003, 209 pages. Leys, Simon, Orwell: ou L’horreur de la politique, Herman, Paris, 1984, 74 pages. Savage, Robert L., Combs, James E., Nimmo, Dan D., The orwellian moment : hindsight and foresight in the post 1984 world, Université of Arkansas Press, Fayetteville, 1989, 180 pages. Steinhoff, William R., George Orwell and the origins of 1984, University of Michigan Press, Ann Arbor, 1976, 288 pages.
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Médiagraphie |
http://gutenberg.net.au/ebooks01/0100021.txt http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Orwell http://www.academie-des-beaux-arts.fr/membres/actuel/Peinture/Rhoner/fiche.htm
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Commentaire |
Marie-Eve Lajoie
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