Artiste | Jackson Pollock |
Œuvre | Cathedral |
Date de création | 1947 |
Dimension | 181,6 x 89 cm |
Média | Huile et peinture d’aluminium sur toile |
Principales caractéristiques | Le principal intérêt de cette œuvre
de 1947 réside dans ce réseau monochrome de lignes, créé
par la technique que Pollock utilisera et qui révolutionnera
le monde de l’art : le dripping. Outre
ce jeu de lignes, il y a aussi toutes ces couleurs contrastantes (rouge,
bleu, noir, blanc) qui apportent au réseau de lignes une certaine
profondeur. C’est d’ailleurs au moyen de ces contrastes
que Pollock créera la troisième dimension dans ses œuvres,
et non grâce à la perspective. Notons également
que si la profondeur existe dans ce tableau, elle est uniquement d’ordre
pictural : en effet, c’est en utilisant des couleurs « anti-formelles
» que Pollock réussit à créer une autre dimension.
Enfin, on sent qu’il se dégage de ces lignes courbes et
omnidirectionnelles une certaine violence, une exorcisation des tourments
de l’artiste qui lui permettent de se libérer de ce qui
le tracasse. |
Contexte sociohistorique | Cathedral marque le début
de la technique du dripping (peinture qui
s’égoutte, coule du pinceau et ruisselle sur la toile) et
des all-over (surface entièrement couverte
et dont les éléments ont la même intensité
en tous les points du tableau). Il y aurait trois grandes périodes
dans l’œuvre de Pollock, Cathedral
figurant dans la seconde. La première, c’est-à-dire
celle qui commence avec les tout premiers tableaux de l’artiste
et se termine vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, est caractérisée
par une grande instabilité, la peinture de l’artiste se cherchant
différents styles : les œuvres sont rudes, aux formes massives,
plutôt sombres et très contrastées, et où la
lumière et l’ombre s’opposent vigoureusement, provoquant
une forte impression de relief. Déjà, les nombreux problèmes
personnels de l’artiste, dont l’alcoolisme, semblent affecter
celui-ci jusque dans ses œuvres. La deuxième période de l’œuvre de Pollock est celle qui le fera connaître mondialement, puisqu’il innove dans le domaine de la peinture en pratiquant les techniques du dripping et du all-over, mentionnées plus haut. C’est en 1947 que le dripping fait véritablement son essor, avec Cathedral, la première toile de Pollock créée avec cette technique. Le peintre commence à travailler avec de plus grands formats, puis avec des toiles libres, non montées sur châssis. Ces toiles, Pollock les pose au sol, pour pouvoir les travailler de tous les côtés, ce qui est tout nouveau pour l’époque. Pendant quatre ans, il veut atteindre la limite de ses possibilités : il s’éloigne des outils traditionnels du peintre (chevalet, palette, pinceau) pour des objets particuliers, tels que le bâton, le couteau et la peinture fluide qu’il fait dégoûter. Finalement, 1951 marque le début de sa troisième période, soit le retour à la figuration. Il fera plusieurs expositions personnelles jusqu’à la fin de ses jours, le 11 août 1956. |
Situation dans son contexte | L’expressionnisme abstrait est né de la volonté
des artistes de se débarrasser de l’anecdote pour atteindre
l’essentiel, c’est-à-dire passer de la réalité
temporelle du monde au réel métaphysique de l’être.
Effectivement, la peinture n’est plus au service de la représentation,
mais à celui des sentiments du peintre. Initié par Cézanne, c’est en 1910 que ce courant prend réellement son envol avec les œuvres abstraites du Russe Kandinsky. En Europe, de nombreux artistes adoptent cette nouvelle façon de créer. Parmi eux, il y a les Français Robert et Sonia Delaunay, le Tchèque Kupka, les Russes Larionov, Gontcharova, Malevitch et le Hollandais Mondrian. L’art non figuratif qui, aux approches de la Seconde Guerre mondiale, avait perdu de sa volonté de recherche et de son pouvoir de création, prend son second souffle justement de cette guerre et de ces menaces qui pèsent sur l’individu dans son présent, de même que dans son avenir. Pollock est le premier peintre moderne que les États-Unis aient produit. À partir de son œuvre est née la « nouvelle peinture américaine », caractérisée par une violence naturelle, une fraîcheur première et un besoin d’expression sans limite. La peinture de Pollock marque une révolte continuelle contre soi-même et contre l’entourage, contre l’académisme et contre le conformisme moderne. C’est donc dans ce contexte socio-politique et personnel qu’est né Cathedral, une œuvre qui a grandement marqué l’art du XXe siècle. |
Incidences | L’œuvre de Pollock a soulevé, que l’artiste
le veuille ou non, une véritable révolution picturale :
l’abandon des lois du contraste des valeurs inaugure cette révolution,
les couleurs n’étant plus « formelles », mais
« anti-formelles ». Par son modernisme et ses nouvelles techniques
de réalisation (le dripping et le all-over,
la toile travaillée sur le sol et l’utilisation d’objets
jusque-là étrangers à la peinture), Pollock a su
faire preuve d’innovation dans un monde qui était encore
trop conformiste. Depuis l’œuvre de ce peintre américain,
la peinture abstraite s’est répandue et s’est popularisée,
pour devenir telle qu’on la connaît aujourd’hui. Mais
sa véritable réussite, c’est celle d’avoir choisi
de délaisser l’objet du désir au profit du seul désir
de peindre, à l’état pur. |
Bibliographie | AMEY, Claude. 25 tableaux modernes
expliqués, Allen (Belgique), Éditions Marabout, 1994,
345 pages.
CHIU, Tony, MCCOUBREY, John W., MORTON, Robert, PIERCE, Paula et SEIXAS, Suzanne. La Peinture américaine contemporaine, New York, Éditions Time Life, 1973, 191 pages. LAMBERT, Jean-Clarence. La peinture abstraite, Paris, Éditions Rencontre Lausanne, 1967, 207 pages. SPRING, Justin. Jackson Pollock, Paris,
Éditions La Martinière, 1998, 112 pages. |
Commentaire |
Joëlle Bernard |
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