Artiste Frida Kahlo
Œuvre Les deux Frida
Date de création 1939
Dimension 173,5 x 173 cm
Média Huile sur toile
 

 

Principales caractéristiques

La peinture est constituée d’un double autoportrait. Les deux Frida, bien qu’assises côte à côte sur un banc, semblent flotter devant un fond  composé de nuages tumultueux et sombres de couleur gris-bleu.  L’autoportrait assis à droite, dont le teint du visage est un peu plus foncé, représente Frida habillée d’un costume mexicain traditionnel aux couleurs vives. Elle tient dans sa main gauche un petit médaillon contenant un portrait de Diego enfant, d’où  s’élance une artère, enroulée autour de son bras, qui rejoint son cœur mis à nu mais intact. Une autre artère la relie au cœur à vif de l’autoportrait assis à gauche, lequel représente Frida habillée d’une robe blanche de style colonial, déchirée au niveau de la poitrine. Elle tient maladroitement de la main  droite une pince chirurgicale avec laquelle elle essaie de fermer l’artère, sans y parvenir. Des gouttes de sang coulent et s’unissent aux fleurs rouges de sa robe. Les deux Frida se tiennent par la main, mais ne se regardent pas.  Les corps sont figés et les visages sont  impassibles.

Cette œuvre réalisée après son divorce avec Diego Rivera, dégage un sentiment de solitude ainsi qu’une atmosphère lourde et inquiétante, mais néanmoins remplie de force et de détermination.

 

Situation dans l’œuvre de l’artiste

En 1925, Frida Kahlo est victime d’un grave accident d’autobus, qui lui laissera des sérieuses séquelles et dont elle souffrira toute sa vie. Elle a commencé à peindre pendant sa convalescence alors qu’elle était clouée au lit. Ses premières œuvres sont des autoportraits ou des portraits de personnes qui lui sont proches (en particulier sa famille ou ses amis). Tout au long de sa production, ces deux thèmes seront dominants, auxquels s’ajoutent des natures mortes.

Elle a développé une symbolique qui lui était propre. Elle s’est inspirée  de l’art populaire (en particulier des ex-votos) ou des symboles de l’art précolombien qui la fascinait, de l’histoire nationale, mais également de son intérêt pour la biologie et la médecine. Elle « faisait apparaître un univers dans lequel le réalisme se mettait au service de l’imaginaire » 1

En utilisant cette iconographie toute personnelle, elle a réalisé une bibliographie en images soulignant des événements marquant de sa vie ou de son époque. «Elle faisait d’elle-même le thème principal de son art, où se révélaient ses propres expériences intérieures, ses rêves, ses visions, ses peurs et ses espoirs. Elle ne mettait pas en avant sa propre personne et ses souffrances, mais le constat que son état représentait l’équivalent universel et symbolique des souffrances de l’humanité » 2

Ses peintures expriment en particulier la dualité de ses origines (allemande par son père et mexicaine et indienne par sa mère) et le conflit entre les racines mexicaines et la modernité.

Les deux Frida est « un tableau clé de sa production, car elle y assemble tous les binômes avec lesquels elle jouait » 3

 

Situation de l’œuvre dans son contexte

L’histoire du Mexique au début du XXe siècle est marquée par la Révolution mexicaine qui « avait insufflé un sentiment de nationalisme nouveau et dynamique à travers tout le pays. … Mexico se tournait fièrement vers ses racines indigènes » 4

« … il faut se rappeler que cette génération de Mexicains, née pendant ou après le mouvement armé de 1910 prend fait et cause pour un idéal nouveau, celui d’une nation postrévolutionnaire […] et croit fermement à la mise en œuvre d’un nouveau modèle social et politique, et par contrecoup, culturel » 5 .

Il y avait bien sûr le mouvement muraliste (certainement le plus connu à l’étranger) dont Diego Riviera était le plus célèbre représentant, mais également de nombreux autres mouvements tels que le stridentisme, le mouvement pro-arte mexicain et de nombreuses autres formes stylistiques qui influençaient tous les domaines artistiques (de la peinture à la gravure, de la sculpture à l’architecture). « … le milieu artistique mexicain d’alors était un véritable bouillon de culture » 6 .

Par ailleurs, Frida avait voyagé et vécu aux Etats-Unis et en Europe, en particulier à Paris. Elle était amie avec de nombreux surréalistes qui l’avaient « adoptée » comme une des leurs. D’ailleurs, Les deux Frida a été exposée à Mexico lors de l’exposition internationale du surréalisme en 1940. Cependant, alors que pendant un certain temps elle semblait accepter cette étiquette, elle l’a refusé par la suite: « Je n’ai jamais peint de rêves, dit-elle un jour. J’ai peint ma propre réalité » 7 .

 

Conclusion

Frida Kahlo est une peintre exceptionnelle. «Dans son unique lettre à Riviera, Picasso écrivit: « Ni Derain, ni moi, ni toi, nous ne sommes capables de peindre une tête comme le fait Frida Kahlo » 8.

Et Diego Riviera dira d’elle que « Dans l’histoire de l’art, Frida est le seul exemple d’une personne qui s’arracha la poitrine et le cœur pour dire la vérité biologique et ce que l’on ressent en eux » 9

La première et seule exposition personnelle dans son pays n’a eu lieu qu’en 1953, un an avant son décès, prouvant ainsi que son talent était enfin pleinement reconnu.

Depuis, Frida Kahlo est devenue une idole ce qui porte un peu ombrage à son art. Mais elle reste avant tout une peintre unique et inspirante.

 

 

1 Herrera, Hayden, Frida : biographie de Frida Kahlo, Librairie générale française,  Paris, 2003, p 13.

2 Wabere, Keton von,  Frida Kahlo : chefs-d'œuvre, Schirmer/Mosel, Munich, 1992, p. 9-10.

3 Burrus, Christina,  Diego Rivera, Frida Kahlo, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 1998, p. 182

4 Zamora, Martha, Frida Kahlo, Herscher, Paris, 1992, p. 19

5 Burrus, Christina, opus cité, p. 164

6 Ibidem,  p. 168

7 Zamora, Martha, opus cité, p. 114

8 Wabere, Keton von, opus cité, p. 9

9 Ibidem, p. 9

 

Bibliographie

Burrus, Christina, Diego Rivera, Frida Kahlo, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 1998, 279 p.

Herrera, Hayden, Frida : biographie de Frida Kahlo, Librairie générale française, Paris, 2003, 730 p.

Wabere, Keton von,  Frida Kahlo : chefs-d'œuvre, Schirmer/Mosel, Munich, 1992, 109 p.

Zamora, Martha, Frida Kahlo, Herscher, Paris, 1992, 143 p.

Fauchereau, Serge, Les peintres revolutionnaires mexicains, Messidor, Paris, 1985, 125 p.

Mona Bismarck Foundation,Peinture moderne au Mexique : Collection Jacques et Natasha Gelman, Mona Bismarck Foundation, Paris, 1999,  141 p.

Frida Kahlo & contemporary thoughts, http://www.fridakahlo.it/

Frida, film réalisé par Julie Taymor, 2002, durée 120 minutes, Video.com, http://video.movies.go.com/products/2608503.html 

 

Commentaire

Daniela Maschio

 

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