Artiste René Magritte
Œuvre

Le viol

Date de création

1934

Dimension

73,4 x 54,6 cm

Média

Huile sur toile

 

 

Principales caractéristiques

Sur cette toile, le visage de la femme est représenté par ses attraits féminins. Les yeux sont devenus des seins, le nez un nombril et la bouche un sexe. La peinture offre le pouvoir de modifier à sa guise l’anatomie du corps et Magritte exploite fort bien cette possibilité. L’importance de l’érotisme chez ce peintre l’empêcha d’emprunter les chemins traditionnels de recherche formelle, par son désir de provoquer un choc émotionnel.

Klee et Bellmer ont dit de cette toile qu’elle :           

"nous permet de voir plus directement et plus simplement une profonde vérité de la femme désirant être désirée, usant de ses yeux pour provoquer le désir et de sa bouche pour autre chose que parler. En d’autres mots, si viol il y a, il est celui que commet la peinture elle-même dès qu’elle ne se contente pas d’accueillir sur toile les apparences du monde visible, mais s’attache à les triturer même, afin de les disposer suivant un ordre poético-magique qui permet au regard d’aller…" 1

Fâché de constater que les gens ne recherchent pas la symbolique des objets qu’ils utilisent mais qu’ils s’acharnent à trouver la signification d’un tableau il dit: « L’Art, comme je le vois, est réfractaire à la psychanalyse.» 2 Magritte rejetait la psychanalyse. De toute façon, les connotations sexuelles si souvent présentes dans ses œuvres sont si évidentes qu’il devient superflu d’en faire une psychanalyse. Comment mieux expliquer des symboles déjà suffisamment explicites? Il considérait que les images peintes ne cachent rien contrairement aux réelles. Que ses tableaux n’étaient pas des thèmes mais plutôt des images qui se rencontrent.

 

Situation dans l’œuvre de l’artiste

Ses premières toiles recensées sont de nature post-impressionniste. Il toucha par la suite le cubisme, le futurisme et dada. Il travailla comme dessinateur en publicité puis en tapisserie. En 1925, il eût un choc en découvrant l’œuvre De Chirico qui fit basculer son art. Il découvrit à travers lui ce qui valait la peine d’être peint. Magritte exécuta ses premières toiles surréalistes en 1925-1926. Les Magritte partirent vivre près de Paris, pour trois ans, à suivre l’œuvre de De Chirico, Picabia, Duchamp et Picasso. En 1930, ils reviennent à Bruxelles pour y passer le reste de leurs jours. Il  effectua 42 toiles entre1927 et 1931, où figurent des mots peints. Quelques années plus tard, il exposa à New York et à Londres. En 1943-1944, il traversa une période dite «Renoir»  en réaction contre l’occupation allemande puis une période «vache» en 1948 dans laquelle il peignit des parodies du fauvisme français pour sa première exposition dans la capitale française. Une sorte de gifle suite à leur mauvais accueil.

Sa reconnaissance vint tardivement, entre autres parce qu’il vivait à Bruxelles et non à Paris. D’importantes expositions de son œuvre entre 1950 et 1960 eurent lieu aux Pays-Bas, en Italie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Sa grande rétrospective en Belgique eût lieu en 1954, treize ans avant sa mort.

 

Situation de l’œuvre dans son contexte

Magritte s’inscrit dans le courant surréaliste seulement un an après la parution du Premier Manifeste du Surréalisme d’André Breton, datant de 1924. Ce dernier pourtant, ne le considéra pas comme tel dans ses écrits avant 1941, lorsqu’il le reconnu malgré sa démarche non automatique et pleinement délibérée. Magritte s’opposait aux thèses de Freud et à la toute puissance du rêve. Voici sa vision :

"Pour moi, le surréalisme c’est la peinture, c’est la description d’une pensée qui évoque le mystère; cela implique que cette pensée doit ressembler aux figures que le monde offre à la pensée (…) La manière dont je réunis les objets évoque le mystère surréaliste. C’est quelque chose qui existe." 3

En 1934, Magritte, accompagné de surréalistes belges, publient L’action immédiate, un manifeste où ils s’expriment devant la montée du fascisme. Après le fléau de la Deuxième Guerre mondiale, de 1939 à 1945, Magritte conçut et signa avec ses amis, une série de manifestes. Cette période marqua une rupture dans sa manière de peindre. C’est alors qu’il se dirigea vers sa période «Renoir» par besoin de légèreté, de bonheur…

 

Incidence

Suite ironique ou logique d’un ancien dessinateur publicitaire, de nombreuses images et idées magritiennes ont été reprises par le monde publicitaire. C’est sa manière de mettre les objets en valeur d’une manière suggestive et mystérieuse qui accrocha les spécialistes en marketing. Il se fait, encore aujourd’hui, des publicités presque identiques aux œuvres originales. On lui attribue une influence certaine non seulement sur le pop art mais aussi sur une partie de l’art conceptuel. Magritte nia sa paternité sur le pop art, jugeant leurs objectifs premiers comme étant trop différents des siens. Il percevait plutôt un retour plus sage du Dada, voir même un art d’étalage. Il considérait que leur erreur était de vouloir suivre le monde actuel, n’étant pas plus qu’une mode passagère. Par contre, l’hyperréalisme se rapprochait plus de sa vision:

Peindre le réel, pour les hyperréalistes ou pour Magritte, encourage à «une nouvelle manière de comprendre le monde». Il n’y a ni réel ni réalité sans signification. Ni signification sans mystère. 4

René Magritte mit fin au vieux dicton français « stupide comme un peintre » dont parlait Duchamp. À l’époque, même dans le milieu en Belgique, on pensait qu’un peintre gagnait à ne pas être trop intelligent. Probablement parce qu’ils étaient perçus comme des êtres guidés par leurs sentiments et leurs sensations contrairement aux intellectuels poètes ou écrivains. La seule attente envers eux étant qu’ils nous montrent leurs tripes sur un plateau. Heureusement, les mœurs ont changé depuis que le contraire a été prouvé. Intéressant de constater l’impact de cet homme qui n’aimait pas peindre!

 

 

1 PAQUET, Marcel, René Magritte, Taschen, 2000, p.51.

2 HADDA, Hubert, Magritte, France, Éditions Hazan, 1996, p.10.

3 MEURIS, Jacques, Magritte, Bruxelles, Taschen, 1997, p.53.

4 MEURIS, Jacques, Magritte, Bruxelles, Taschen, 1997, p.198.

Bibliographie

GABLIK, Suzi, Magritte, Traduit de l’anglais par Evelyne De Knop-Kornelis,  Bruxelles, Cosmos Monographies Bruxelles, 1978, 216 p.

HADDA, Hubert, Magritte, France, Éditions Hazan, 1996, 144 p.

LAGEIRA, Jacinto, Magritte, mots et images, Gallimard, 2003, 28 p.

MEURIS, Jacques, Magritte, Paris, Casterman, 1988, 236 p.

MEURIS, Jacques, Magritte et les mystères de la pensée, Bruxelles, la Lettre volée, collection essais, 1992, 112 p.

MEURIS, Jacques, Magritte, Bruxelles, Taschen, 1997, 216 p.

OTTINGER, Didier, Magritte, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 1996, 254 pages.

PALMER, Michael, D’ensor à Magritte, Bruxelles, Éditions Racine, 1998, 234 pages.

PAQUET, Marcel, René Magritte, Taschen, 2000, 96 pages.

ROBERTS-JONES, Philippe, Magritte ou la leçon poétique suivi de De l’empire des lumières aux domaines des sens, Bruxelles, la Renaissance du livre, 2001, 55 pages.

HERSCOVICI, Charly; droits d’auteur des oeuvres de Magritte, The mystery of Magritte, Bruxelles, Virtuo, MIP, 1996. (CD-ROM)

 

Commentaire

Julie Delisle

 

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