Artiste René Magritte
Œuvre La Trahison de l’image
Date de création 1928/1929
Dimension 62,2 x 81 cm
Média Huile sur toile
   
Principales caractéristiques

Réalisé au cours des années 1928 et 1929, le tableau La Trahison de l’image représente une pipe qui occupe la totalité de la toile avec l’inscription au-dessous : « Ceci n’est pas une pipe ». L’objet se retrouve seul et isolé dans l’image. Cette toile devient donc un jeu de l’objectif au subjectif où la pipe peinte reçoit sa négation par l’écriture. Par ailleurs, si l’on perçoit l’œuvre de Magritte selon des notions de poésie et de valeur iconique, on remarque que les métaphores visuelles sont l’emblème de son travail. Les moyens de dépaysement des objets dans ses toiles sont utilisés tels des figures de style. Dans son célèbre tableau La Trahison de l’image (Ceci n’est pas une pipe), Magritte déstabilise le spectateur en sortant l’objet de son contexte, en niant son identité propre. En fait, il affirme la pure vérité, cette image n’est pas une pipe, ce n’est qu’une représentation de l’objet si bien connu. Les images de la peinture ne sont-elles pas toujours et partout une trahison du langage et du réel ? En peignant, Magritte ne cherche pas à renvoyer à une réalité externe dont l’image serait la copie. Il cherche plutôt à enrichir et à modifier l’image, de façon à faire resurgir, non le réel, mais son insondable mystère. L’image peinte chez Magritte est toujours une image réfléchie et pensée. Il pousse une réflexion et remet en question le statut de l’image tout au long de son œuvre.

Situation dans l’œuvre de l’artiste Quant à l’évolution de l’œuvre de Magritte, ses premières toiles connues datent de 1919. De facture post-impressionniste, ses premières œuvres connaissent également une phase cubo-futuriste pour finalement se rallier, de 1926 à 1943, au surréalisme. De plus, entre 1927 et 1930 s’élabore la période d’occultation de l’image par les mots. Le tableau La Trahison de l’image est peint durant cette phase. Plus tard, il essaie des réalisations surréalistes peintes à la façon des impressionnistes. Tandis qu’en 1948 il connaît une période fauviste, il renoue finalement avec sa méthode initiale, celle du surréalisme. Si l’on tente d’établir un parallèle entre lui et d’autres artistes, on découvre un Magritte conceptuel davantage proche de Duchamp que des œuvres essentiellement surréalistes. Toujours un peu en marge des surréalistes, il se veut explorateur d’un nouveau langage, mi-poète mi-peintre. Nous ne pouvons toutefois nier l’influence de ce grand mouvement sur ses œuvres, se rapprochant parfois de l’art de Dali, Royou et Delvaux. Magritte est également influencé par les énigmes de la poésie de grands auteurs tel Stevenson. Toutefois, celui qui exerça le plus d’influence sur sa pensée et sa peinture est Edgar Allan Poe, le favori de l’artiste.
Situation dans son contexte Pour situer les œuvres de Magritte dans leur contexte, il faut souligner l’importance du mouvement artistique auquel il contribue : le surréalisme. Dès 1926, cet artiste belge fréquente déjà les surréalistes français. Il participe à toutes leurs délibérations, mais en 1928, André Breton ne mentionne aucunement Magritte dans son manifeste Le surréalisme et la peinture. Malgré tous les désaccords qui suivent, ils garderont une sincère admiration l’un pour l’autre. Au début de 1945, Breton publie un nouveau texte sur le surréalisme et cette fois-ci Magritte y figure. Dans ce texte, il souligne la démarche non automatique, mais au contraire, pleinement délibérée de Magritte. Il se plaît à souligner les défaillances des images visuelles et à marquer la dépendance des figures de langage et de pensée que Magritte utilise. Magritte est donc le seul des surréalistes à suivre cette tendance poétique. Des événements historiques eurent leur incidence sur le travail de Magritte, entre autres les deux Grandes Guerres. En 1945, il écrit : «Depuis le début de cette guerre, je désire vivement une efficacité poétique nouvelle qui nous apporterait le charme et le plaisir. Je laisse à d’autres le soin d’inquiéter, de terroriser et de continuer à tout confondre. 1 » Magritte abhorre la violence. Il méprise les militaires et déteste les guerres. Il affirme que les idées politiques ou les idées courantes à propos de l’art ne pourraient l’aider à peindre un tableau. Il ne se considère donc pas «engagé». La seule chose qui l’engage étant le mystère du monde.
Incidences C’est entre les années 50 et les années 70, dans le contexte de l’évolution contemporaine des arts visuels, que l’on reconnaît à certains mouvements picturaux une attache à la démarche et à l’imagerie de Magritte. Le premier domaine où l’emprise magrittienne est évidente est celui de la publicité. De nombreuses publicités empruntèrent des images peintes de Magritte. Un second mouvement dont l’art de Magritte est le reflet est le Pop’art. Magritte refusa pourtant toute paternité sur le Pop’art. Selon lui : « " leur erreur " aurait été de vouloir " exprimer le monde actuel " qui ne constitue qu’un "état passager " et "une mode ", alors que la poésie serait "le sentiment du réel, en ce qu’il a de permanent ". 2 » Son influence se porta jusqu’à l’hyperréalisme et les prétentions éthiques de l’Art conceptuel. Compte tenu de l’importance qu’il a dans l’histoire de l’art et de l’émergence de nouvelles idées qui rayonnèrent autour de son œuvre, sa carrière est remarquable. Il est ardu de comprendre pourquoi cet homme ne se considérait pas comme artiste mais uniquement peintre.
 

1 OTTINGER, Didier, Magritte, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 1996, p.237.

2 MEURIS, Jacques, René Magritte, Cologne, Taschen, 1997, p.197.

Bibliographie HADDAD, Hubert. Magritte, Coll. «Les Chefs-d’œuvre », [s.l.], Hazan, 1996, 143p.

MEURIS, Jacques. René Magritte, Cologne, Taschen, 1997, 216p.

OTTINGER, Didier. Magritte, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 1996, 254 p.

PAQUET, Marcel. Magritte, la pensée visible, Cologne, Benedickt Taschen, 1992, 96p.

TORCZYNER, Harry. René Magritte, le véritable art de peindre, Coll. «Le soleil noir », [s.l.], Draeger, 1978, 143p.

Commentaire
Isabelle Caron
Retour en haut [Fermer la fenêtre]