Artiste Paul Klee
Œuvre Feuille extraite du livre de la cité
Date de création 1928
Dimension 42,5 x 31,5 cm
Média Préparation à la craie sur papier monté sur bois
   
Principales caractéristiques

L’œuvre représente une feuille blanche traitée à la craie, sur laquelle sont inscrits des genres de pictogrammes. Le tout est monté sur un fond jaune cassé. On le décrit comme « un livre de pierre sous un soleil éteint 1». Ces séries de pictogrammes, dans les tonalités de rouge et de vert, suggèrent des éléments d’un milieu urbain comme des rangées de pavillons, des remparts, des arcades et des drapeaux. L’écriture est fine, agile et précise, et rappelle des hiéroglyphes. Cette ville où domine un astre d’un brun profond, évoque un genre de labyrinthe du rêve. On y retrouve des formes féeriques dans une composition d’une grande rigueur et sensibilité. « L’art ne rapporte pas le visible, il le rend visible », disait Klee. Dans cette forme d’écriture indéchiffrable, on a l’impression que les lettres, les mots et les phrases semblent venir d’un passé très lointain comme dans les registres d’état civil où sont enregistrés les décès, les naissances, les ascendants et descendants d’une population. « Nous sommes ici en contact avec tout ce qui recèle une ville dans des édifices immémoriaux d’histoire des hommes . 2» Si on veut faire un lien avec la musique si importante chez Klee, on a l’impression de sourdes résonances, comme celles de la contrebasse ou du basson.

Situation dans l’œuvre de l’artiste Cette œuvre appartient à une série de peintures où les pictogrammes évoquent une organisation urbaine. À cette période, son dessin se réduit à la seule ligne, clairement définissable. On y retrouve des constructions géométriques entre des lignes parallèles. Klee, ce peintre-musicien, joue sur la répétition entre les espaces des lignes parallèles et l’axe, ce qui évoque des partitions musicales chez lui. Il est le maître de l’illusion et se situe à la frontière du réel et de l’irréel. Ce trait de lignes mince et léger nous amène à un certain degré d’irréalité. Klee utilise la peinture pour ouvrir une brèche dans la réalité. « ([…] Il a une approche très exigeante du réel qui est à ses yeux l’énigme suprême. 3» Il avait une aversion pour une conception trop simple du réel ramené à sa seule apparence extérieure. On remarque dans cette œuvre l’utilisation du bois et de la craie. Klee était passé maître dans l’exploration de nouvelles techniques ayant même la réputation de faire des œuvres d’une grande complexité de réalisation. Dans les années 1927-1928, il travaille beaucoup le dessin et la plume surtout et ses œuvres atteignent un haut niveau à cette période. Un voyage en Tunisie, fait en compagnie des peintres Moilliet et Macke, marque un tournant essentiel dans l’évolution de son art.
Situation dans son contexte Durant la période des années d’après-guerre, période dite constructiviste, Klee est professeur au Bauhaus. Le courant du rationalisme technologique était à son sommet, et cette tendance au constructivisme se manifeste clairement dans le travail de l’artiste. En tant que professeur au Bauhaus, il est amené à faire des analyses extrêmement poussées des techniques qu’il utilise et son enseignement est très systématique. Cette recherche constante est l’une des grandes qualités de ce peintre. Klee apprécie l’art qui grandit et se développe, comme le travail de la nature, en un processus riche aux nombreuses strates. Il est convaincu que la technique doit être la servante et non la maîtresse de l’artiste, ce qui l’amène à être plus précis dans l’emploi de ses matériaux et à rendre compte de leur solidité et de leur durabilité. Il note tout rigoureusement, scientifiquement. Klee enseignait avec Kandinsky avec qui il partageait toute une philosophie à caractère spirituel. Il fait partie de ces peintres qui partagent une vision cosmique et mystique, et cet aspect transparaît clairement dans son œuvre. Il a écrit La théorie de l’art moderne, essai dans lequel il explique sa vision de la réalité. Il a participé à la première exposition surréaliste à Paris en 1925.
Incidences Klee est un peintre unique qui nous entraîne au-delà du visible. Doué d’une imagination incomparable et d’une candeur enfantine, Klee a éclairé notamment la voie du surréalisme. Dans ses œuvres, on sent un certain mystère, une certaine grâce ainsi qu’un bel équilibre entre la rigueur et la sensibilité.
 

1 Ferrier, Jean-Louis. Paul Klee, Éditions Pierre Terrail, Paris, 1998, p 37.

2 Ferrier, Jean-Louis. Paul Klee, Éditions Pierre Terrail, Paris, 1998, p 37.

3 Muller, Joseph-Émile et Elgar, Frank. Cent ans de peinture moderne, Fernand Hazan éditeur, Paris, 1979, p 161.

Bibliographie

Afam, David A et al. Les peintres contemporains et leur technique, Sylvie Messinger éditrice, Paris, 1984, 192 p.

Ferrier, Jean-Louis. Paul Klee, Éditions Pierre Terrail, Paris, 1998, 207 p.

Geelhaar, Christian. Paul Klee et le Bauhaus, Éditions Ides et Calendes, Paris, 1972, 174 p.

Muller, Joseph-Émile et Elgar, Frank. Cent ans de peinture moderne, Fernand Hazan éditeur, Paris, 1979, 239 p.

Commentaire
Audrey Moreau
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