Artiste Juan Miró
Œuvre Peinture
Date de création 1925
Dimension 114 x 146 cm
Média Huile sur toile
   
Principales caractéristiques

La liberté qu’acquiert Miró se traduit dans sa toile simplement intitulée Peinture. cette œuvre évoque une forte épuration de la forme et du sujet pour laisser une grande place au fond. Sur des tons nuancés d’ocre et de brun se détachent deux formes géométriques (un cercle et un carré) ainsi que de fines lignes souples et légères qui ouvrent à l’espace et au mouvement. Les formes sont disposées en apesanteur, poids- contrepoids dans un équilibre parfait. L’omniprésence de l’artiste se révèle par la visibilité du coup de pinceau sur toute la surface du tableau. Également, il laisse la présence de fines lignes noires révélant ainsi l’esquisse de départ. À ce moment, les références pour le spectateur sont infimes, celui-ci capte une partie de l’inconscient de l’artiste. « La consistance des fonds, la lente coulée des taches, leur blancheur laiteuse et translucide, la pulsation organique de l’espace sont les parfaits véhicules d’un certain trouble érotique dont ils transmettent les mouvements et les tressaillements. » 1 Peinture s’inscrit dans une recherche d’écriture propre à l’imaginaire de Miró, suggérant le rêve, l’érotisme et le mystère.

Peintures Oniriques, 1925-1927

Peu à peu, Miró quitte l’anecdote et la figuration et se dirige vers une recherche formelle et poétique. Peinture de 1925 s’inscrit dans cette période durant laquelle Miró commence à peindre l’impression reçue et non le sujet lui-même. « Il a alors épuisé ses ressources expressives dans la veine figurative et cherche de nouvelles pistes pour transmettre son expérience à travers la peinture. » 2 Depuis quelques temps, Miró multiplie les signes et se crée un vocabulaire de plus en plus personnalisé. Ses peintures oniriques se font surtout sur fonds bleus, ocres ou marrons, d’où se détachent des formes épurées, sensuelles et flottantes, comme dans un rêve. « Il a souvent raconté qu’il travaillait sous l’effet d’hallucinations dues à la faim. » 3 Captant la forme sur les taches d’un plafond, d’un mur ficelé ou de la configuration des nuages, Miró réalise des esquisses préparatoires pour la plupart des toiles de cette époque, accordant une importance cruciale à la composition et à l’équilibre.

Situation dans l’œuvre de l’artiste Pendant sa formation artistique, Miró peint paysages, nus et natures mortes. Il agit à ce moment comme récepteur et ce fut une étape marquante de son développement. En passant du post-impressionnisme jusqu’au fauvisme il utilise des couleurs riches et d’épais coups de pinceau. Malgré le caractère maladroit de son dessin, la couleur ne fait jamais défaut et produit des œuvres vibrantes dès le début. Miró emprunte parfois un style cézannien et va même effleurer le cubisme pour rendre plus de rigueur à ses formes.

Ensuite, Miró traverse sa phase détailliste (qui le mènera vers ses peintures oniriques de 1925) dans laquelle il libère un peu plus de sa propre essence. Ses sujets décrivent ce qu’il affectionne particulièrement : le travail de la ferme, les objets quotidiens, les animaux. Tranquillement, Miró acquiert une plus grande liberté de la représentation en disposant ses sujets de façon libre et imaginaire.
Situation dans son contexte La crise d’expression de la peinture de Miró vers le milieu des années 1920 coïncide avec l’atmosphère de controverse et de révolte qui règne sur Paris à cette époque. Suite au mouvement Dada et au non-art, la remise en question de la révolution artistique de l’avant-garde atteint son apogée. Miró ne fait pas exception à ces influences, tendant peu à peu vers une peinture géométrisée, dépouillée de superflu et d’espaces réels. Le Dada mène à la rédaction du premier manifeste surréaliste publié le 15 octobre 1924, à Paris. « […] on peut dire qu’il y a à peu près vacance totale, crise absolue de modèle. Le modèle ancien, pris dans le monde extérieur, n’est plus, ne peut plus être. Ce qui va lui succéder, pris dans le monde intérieur, n’est pas encore découvert. » 4 Bien que n’appartenant pas à un mouvement clairement défini, les toiles de Miró aspirent à cette recherche plastique intérieure et onirique, sans dogmes esthétiques préalablement établis. Miró fréquentait cependant les surréalistes et ils signèrent son exposition solo à Paris en 1925.

Enfin, à travers toutes les phases de sa vie artistique, Miró illumine ses tableaux d’énergie et d’optimisme. Il suit sa passion et peint indépendamment des influences extérieures. Son travail ouvre des voies nouvelles que plusieurs artistes abstraits contemporains suivront : trouver l’inspiration dans l’impulsion de ses rêves et de son subconscient, en créant ses propres modes d’expression. Peinture de 1925 et les tableaux de la même série marquent le début de l’épuration, de l’abstraction et du lyrisme. Ces thèmes qui le suivront à travers toute la production de son œuvre, jusqu’à sa mort en 1983.
Incidences

Juan Miró naît à Barcelone le 20 avril 1893. Dès son jeune âge, Miro dessine des scènes plutôt simples mais avec un sens de la couleur déjà maîtrisé. Après des études à l’École de Commerce de Barcelone, Miro travaille comme comptable et ne s’y adapte jamais. La maladie l’accable et il commence à peindre durant sa convalescence. C’est en 1912 qu’il décide de se consacrer entièrement à la peinture en entreprenant une formation à l’École d’Art de Franscesc Galí. Ce fut le début d’une aventure artistique originale, une des plus grandes carrières prolifiques de l’Espagne au XXe siècle.

 

1 Jacques, Dupin. Miró, Paris, Flammarion, 1993, p.127.

2 Rosa Maria Mallet (dir.). Fondació Joan Miró, Guide, Espagne, Skira Carroggio, 1999, p.43.


3 Janis Mink. Miró, Allemagne, Taschen, 2000, p.44.

4 André Breton, Genèse et perspectives artistiques du surréalisme, 1941, Le surréalisme et la peinture, New-York, 1945, p.85. Cité par Jacques Dupin, Miró, Paris, Flammarion, 1993, p.95.

Bibliographie BRETON, André. Genèse et perspectives artistiques du surréalisme, 1941. Le surréalisme et la peinture, New York, 1945, p.85. Cité par…

DUPIN, Jacques. Miró, Paris, Flammarion, 1993, 479 p.

MALLET, Rosa Maria (dir.). Fondació Joan Miró, Guide, Espagne, Skira Carroggio, 1999, 127 p.

MINK, Janis. Miró, Allemagne, Taschen, 2000, 96 p.

BUCCI, Mario. Miró, Etats-Unis, Hamlyn, 1970, 96 p.

RAILLARD, Georges. Miró/Les chefs-d’œuvre, Italie, Hazan, 1989, 143 p.

Commentaire
Marie-Eve Beaulieu
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