Artiste | Juan Gris |
Œuvre | Bol et verre |
Date de création | 1924 |
Dimension | 24 x 33 cm |
Média | Huile sur toile |
Principales caractéristiques | Cette œuvre est réalisée à
l`huile, en des tons opposés chauds et froids. Les tons orangés
de la table et de l`arrière-plan ceinturent les objets situés
au centre de l`image, qui sont eux, représentés en des
tons froids de gris-bleus. Toutes les formes ont été rassemblées,
ce qui a pour effet de raccourcir l`espace et de créer un aspect
d`unité dans l`œuvre. Les objets sont décris avec
le moins de détails possibles. Ils ne sont pas représentés
tels que nature ; certains objets n`ont pas de contours définis
et tous ont été transformés. Cette œuvre évoque
l`immobilité, l`harmonie. |
Situation dans l’œuvre de l’artiste | Comme ses compagnons cubistes Braque, Léger et Picasso,
Jose Victoriano Gonzalez dit Juan Gris refuse la vieille thèse
de l`art plastique qui cherche à représenter fidèlement
la nature. Son expérimentation de la peinture le mènera
entre 1924 et 1927 à une phase ultime, où se trouveront
rassemblées toutes ses expériences antérieures et
tout son génie. Cette phase dite lyrique ou poétique 1
de Juan Gris, coïncide avec les dernières années de
sa trop brève existence. Après avoir souffert d`une pleurésie
en 1920, de graves crises d`asthme se manifesteront sans cesse au courant
de sa vie, jusqu`à ce qu`il en meurt en 1927, à l`âge
de quarante ans. Ce qui caractérise la période que l`on dit lyrique de l`œuvre de Juan Gris, c`est cette capacité de faire se confondre architecture et poésie. Cela se passe dans sa façon de construire son tableau, la forme l`emporte sur le détail; il s`efforce de décrire les objets avec le moins de complication possible. Les formes, les objets, deviennent alors des signes épurés, de réels emblèmes. Transformés, ils n`ont plus à craindre de comparaison avec des objets que le spectateur connaît. Ces emblèmes 2, ou nouvelles formes, sont ensuite groupées sur une surface plane. Le fond du tableau rigoureusement fixe. Tous ces éléments conjugués ont pour effet de réaliser ce que Gris appelle son « architecture plate et colorée » 3. Un équilibre semble alors être obtenu. C`est dans cette période dite lyrique que se situe l`œuvre Bol et verre, 1924. |
Situation dans son contexte | Lorsque Gris quitte Madrid en 1906, à l`âge
de dix-neuf ans, Picasso fait une peinture en rupture dans un Paris post-impressionniste
4. Le jeune Juan Gris se met à peindre dans son atelier du Bateau-lavoir, voisin de Picasso à la gloire naissante. Comme ses amis cubistes, il a d`abord connu une période dite analytique dans sa peinture (avec la déconstruction d`objets simples, traduits par des formes géométriques qui semblent s`entre-choquer), puis il parvient à une phase synthétique (où tout est ramené à une surface plane, et où tout cesse de bouger). Pour finalement atteindre une phase lyrique, où les formes semblent communier, s`unifier, et où nous y retrouvons toute la rigueur de ses théories. Les années 1921-1924 sont empreintes de mécontentements car Gris a bien du mal avec Diaghilev qui lui commande des décors et costumes pour des ballets. Les relations sont tendues; les travaux en chantier des ouvriers ne ressemblent en rien à ses maquettes. Gris qualifie même Diaghilev de démon, dans une lettre adressée à son grand ami Kahnwei- ler 5. Le monde du théâtre l`exaspère car rien ne s`y passe comme prévu. Aussi, sa santé est mauvaise ; il est fatigué et ses crises d`asthme s`aggravent. En 1923, sa peinture côtoie l`écueil. Cette crise importante de sa vie, au niveau de sa santé et de sa création à la fois, Gris réussira à la combattre, et en ressortira triomphant, avec cet élément poétique, qui apparaîtra désormais dans ses œuvres. |
Incidences | Cadet de la génération des cubistes 6, puisqu`il quitte la scène 36 ans avant Braque et 46 ans avant Picasso, Juan Gris a fait voir, malgré sa courte vie, que le cubisme n`était pas qu`un art géométrique. En excluant tout ce qui est superflu et accessoire, Gris a réussi à faire jaillir un monde stable et poétique, fidèle à ses théories de la peinture. Pudique dans la vie comme dans son œuvre, il s`effaçait
derrière elle et y domptait ses passions. La rigueur, la lucidité
et la pureté de ses recherches et de son œuvre ont fait
dire à Picasso de Juan Gris, qu`il était le meilleur
apôtre de l`esprit cubiste. |
1
Daniel-Henry Kahnweiler, Juan Gris, sa vie, son œuvre, ses écrits,
Folio Essais. Pages 237,244,249, 250, 263. |
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Bibliographie | Daniel-Henry Kahnweiler, Juan Gris, sa vie, son
œuvre, ses écrits, Folio Essais. 411 pages.
Emmanuel Bréon, Juan Gris à Boulogne, Herscher. 127 pages. Jean Paulhan, La peinture cubiste, Gallimard. 240 pages. Golding John, Le cubisme, Juillard. 380 pages. |
Commentaire |
Melina Di Cristo |
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