Façade de la Bibliothèque Saint-Sulpice. Photo 2005

 

Artiste Eugène Payette
Œuvre La bibliothèque Saint-Sulpice
Date de création Inauguration le 12 septembre 1915
Lieu

1700, rue Saint-Denis
Montréal (Québec)

Matériaux

acier, béton armé, granit gris, pierre à sable d’Ohio, brique, vitre.

 

 

Principales caractéristiques

Ce complexe culturel de style profane est de conception pratique et moderne : « les grandes salles n’ont pas de colonnes, l’éclairage naturel est exploité au maximum, et la surveillance et l’accessibilité y sont faciles » 1. De plus, chaque zone a un rôle spécifique, soit la recherche, la conservation des documents et l’animation culturelle 2.

Le premier étage correspond au balcon de la salle des conférences, et le second à la salle de lecture 3. L’arrière est occupé par le magasin aux livres et les bureaux. Dans le vestibule se trouve un double escalier qui mène à la salle de lecture, avec un salon et une salle d’exposition de chaque côté. À l’étage en dessous se trouvent deux petites salles de réunion de chaque côté du vestibule de la salle de conférence.

La façade du bâtiment est symétrique et possède un fronton soutenu par une colonnade de style dorique et un escalier de grandeur moyenne. L’édifice est constitué « d’une charpente d’acier noyée de béton armé de lattes métalliques, de terres cuites poreuses et de briques, le tout habillé de différents matériaux de recouvrement. » 4  À l’extérieur, la base des murs, le perron et les murets sont de granit gris, les murs de façade, les chaînes d’angle des autres murs et les allèges de fenêtres sont de pierre à sable d’Ohio, et les trois autres côtés sont de briques 5. Les planchers sont de marbre de différentes couleurs partout, sauf dans les salles de consultation où le sol est recouvert de tuiles de liège pour atténuer le bruit 6. Il est important de noter que tous les matériaux sont incombustibles afin de prévenir les incendies. À cela s’ajoutent aussi de jolis vitraux et des lampadaires faits par la Maison Henri Perdriau 7.

 

Situation dans l’ensemble de l’œuvre de l’artiste

Le choix du bâtiment se fit par voie de concours parmi tous les architectes catholiques du Québec. Le projet d’Eugène Payette obtint le premier prix grâce à son architecture de style profane, plus adapté aux édifices publics que l’architecture commerciale ou gothique, par exemple. Par contre, Payette n’avait jamais conçu de projets d’architecture publique auparavant, il se spécialisait plutôt dans la construction d’églises et autres bâtiments pour l’ordre des sulpiciens, ceux qui firent la commande de la Bibliothèque Saint-Sulpice 8. Il est donc possible de dire que la construction de cette bibliothèque permit à Payette d’être reconnu en tant qu’architecte et de poursuivre sa carrière dans l’élaboration d’autres projets publics de style classique, comme la Bibliothèque publique centrale de Montréal en 1915, le Collège Grasset en 1929, et de maisons privées 9. Malgré le peu d’information à son sujet, Payette est plus reconnu pour son rôle actif au sein du Royal Architectural Institute of Canada et du Royal Institute of British Architects que pour ses réalisations architecturales 10.


Situation dans le contexte socio-historique

C’est vers la fin de la période d’annexion de la Ville de Montréal que la Bibliothèque Saint-Sulpice fut construite, période où la Ville prospérait. « Le Quartier Latin devint alors le nouvel espace résidentiel de l’élite intellectuelle et de la petite et haute bourgeoisie francophone, alors que l’élite anglophone s’implantait dans le Golden Square Mile 11».

La Bibliothèque Saint-Sulpice témoigne de la période victorienne qui dura de 1850 à 1930 en même temps que la période industrielle comme le prouve l’utilisation simultanée d’une structure d’acier moderne et d’une ornementation qui révèle plutôt la vocation du bâtiment que la structure de ce dernier 12. Elle est donc de style beaux-arts, c’est-à-dire qu’elle est inspirée de certains monuments du passé, mais améliorée par l’emploi des nouvelles technologies de l’époque, comme l’acier et le béton armé, d’où un certain éclectisme.

La Bibliothèque possède des affinités stylistiques autant avec la France qu’avec les État-Unis. La façade du projet initial de Payette est très similaire à celle du projet de bibliothèque présenté par François-Louis Boulanger au concours de l’École des Beaux-Arts de Paris en 1834 13. Par contre, c’est avec le Cumberland Court House à Portland dans le Maine (1910) que se rapproche le plus le projet final de la Bibliothèque Saint-Sulpice 14.

 

Valeur patrimoniale

La Bibliothèque Saint-Sulpice est donc un icône du développement culturel et intellectuel de la ville de Montréal et du Quartier Latin. Comme l’a écrit Jean-Claude Marsan, l’architecture contribue à la mémoire collective en tant que témoin du passé, et participe à la croissance du paysage urbain et à la création d’une identité montréalaise. La valeur patrimoniale de l’ancienne Bibliothèque nationale est incontestable. Tout d’abord, son architecture n’est ni flamboyante ni unique à Montréal. C’est plutôt l’équilibre entre la composition classique et la sobriété de l’ornementation qui la distingue des autres constructions Beaux-Arts de la ville. D’autre part, la Bibliothèque Saint-Sulpice a joué un rôle primordial dans la diffusion et la conservation du savoir et de la culture canadienne française de son inauguration à sa fermeture.

Tout récemment, la construction de la nouvelle Grande Bibliothèque Nationale attire toujours les foules et accueille dorénavant la précieuse collection Saint-Sulpice. Ceci implique une deuxième fermeture (la première eut lieu en 1931) de la Bibliothèque Saint-Sulpice qui bientôt rouvrira ses portes en tant que pavillon de l’Université du Québec à Montréal 15.

 

 

1 Jean-René Lassonde, La Bibliothèque Saint-Sulpice, 1910-1931, Montréal, Ministère des Affaires culturelles, Bibliothèque nationale du Québec, 1987, p. 69.

2 Ibid., p. 83. Voir les figures 2 et 3

3 Mgr Olivier Maurault, Marges d’histoire III, Saint-Sulpice, Montréal, Em.-Alph. Deschamps, 1927, p. 101.

4 Lassonde, Op cit., p. 86.

5 Ibid.

6 Ibid., p. 87.

7 Guy Gravel, Les édifices publics. Répertoire d’architecture traditionnelle sur le territoire de la communauté urbaine de Montréal, Montréal, Service de la planification du territoire, 1981 p. 26. Voir la figure 4.

8 Payette réalisa entre autre l’église Sainte-Clothilde de Montréal en 1909.

9 Lassonde, Op cit., p. 56.

10 Ibid.

11 Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, les Éditions du Boréal, 2000, p. 173.

12 Voir le magasin des imprimés où les documents sont conservés dans un système de rayonnage en acier, très moderne à l’époque, à la figure 5, et le cartouche au dessus de la porte principale à la figure 6.

13 Voir les figures 7 et 8.

14 Voir les figures 9 et 10.

15 Claire Bouchard, L’UQÀM acquiert la Bibliothèque Saint-Sulpice, En ligne, Montréal, UQÀM, le 6 juillet 2005, http://www.uqam.ca/nouvelles/2005/05-170.htm, Consulté le 28 novembre.

 

Bibliographie

BENOÎT, Michel et Roger Gratton, Pignon sur rue, les quartiers de Montréal, Montréal, Éditions Guérin, 1991, 393 pp.

GRAVEL, Guy, Les édifices publics. Répertoire d’architecture traditionnelle sur le territoire de la communauté urbaine de Montréal, Montréal, Service de la planification du territoire, 1981, 321 pp.

LAJEUNESSE, Marcel, Les Sulpiciens et la vie culturelle à Montréal au XIXe siècle, Montréal, Éditions Fides, 1982, 278 pp.

LASSONDE, Jean-René, La Bibliothèque Saint-Sulpice, 1910-1931, Montréal, Ministère des Affaires culturelles, Bibliothèque nationale du Québec, 1987, 401 pp.

LINTEAU, Paul-André, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, les Éditions du Boréal, 2000, 627 pp.

MARSAN, Jean-Claude, Montreal in Evolution, Montréal, McGill University Press, 1981, traduction de Montréal en évolution, Montréal, Éditions Fides, 1974, 456 pp.

MAURAULT, Mgr Olivier, Marges d’histoire III, Saint-Sulpice, Montréal, Em.-Alph. Deschamps, 1927, 221 pp.

 

Médiagraphie

Claire Bouchard, L’UQÀM acquiert la Bibliothèque Saint-Sulpice, En ligne, Montréal, UQÀM, le 6 juillet 2005, http://www.uqam.ca/nouvelles/2005/05-170.htm, Consulté le 28 novembre.

 

Commentaire

Marianne Drolet-Paré 

 

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