Artiste | Ferdinand Cheval dit le « Facteur Cheval » |
Œuvre | Le Palais idéal |
Date de création | 1879-1912 |
Dimension | Façade est et ouest : 26m de longueur, façade nord : 14m de longueur, façade sud : 10m de longueur, largeur moyenne 12m, hauteur de 8 à 10m. 1 |
Média | Galets, « 3500 sacs de chaux, 1000 m3 de maçonnerie » , armature. 2 |
Principales caractéristiques | L’œuvre du Facteur Cheval est ce Palais idéal construit en 33 ans. Le monument est constitué de quatre façades (nord : phase de la vie, ouest : phase de la mort, est : phase de la renaissance). On peut distinguer quatre éléments fondateurs présents sous forme de sculptures, formes visuelles ou écritures murales : l’eau (source, bassin, cascade : symbole de vie), le bestiaire (animaux légendaires, reptiles et monstres grouillants), arbres et plantes (arbres de vie, de la science, du bien et du mal), la pierre (fossiles, galets, coquillages) 3. Une certaine rigueur dans l’équilibre du monument et une symétrie régissent le Palais idéal alors qu’une « dissymétrie ornementale de surface assure une liaison […] avec les autres façades » 4. Cette dernière permet de créer un espace circulaire « sans discontinuité ni coupure » 5. Selon Pierre Chazaud 6 l’œuvre du Facteur se compose d’un ensemble de mise en scène caractérisée par une miniaturisation (ex. : chalet suisse, maison carré), une « gigantisation » (ex. : trois géants), l’utilisation de métaphores (vie, mort, renaissance), une mise en scène du grotesque. On note, par ailleurs, la représentation simultanée du creux et du plein, du solide et du fluide (opposition pierres/eau) ainsi qu’un jeu de ruptures 7. En résumé, l’œuvre de Cheval est un travail solitaire où est édifié un espace à la frontière du conscient et de l’inconscient, dominé par l’imaginaire. Il y a une certaine maîtrise de la profondeur et de la mise à distance notamment à travers les belvédères qui autorisent une contemplation de l’unique 8. L’architecture de Cheval vise la sublimation, « au deçà et au-delà de toute limite » 9 retournant les rapports temporels en rapports spatiaux. Le Palais idéal se révèlerait être « une machine à supprimer le temps » 10.
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Situation dans l’œuvre de l’artiste | Selon C. Delacampagne 11, Cheval était un autodidacte, un homme complètement marginal par rapport au milieu artistique de son temps (fin du XIXème début du XXème), un facteur des Postes revendiquant son statut de « fils de paysan » 12. À l’âge de 44 ans lors d’une tournée Cheval trébuche sur une pierre et se souvient d’un rêve vieux de 15 ans, construire un palais et des grottes 13. Le piéton d’Hauterives travaille donc jour et nuit (une partie) à l’accomplissement de son seul rêve, ramassant les matériaux souvent à dos d’homme ou à la brouette. Cheval désire se transcender dans son œuvre, « Ma pensée vivra avec ce rocher » (Galerie), et veut laisser une trace de son passage 14.
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Situation dans son contexte | Le Facteur, en rupture avec la norme passe pour un fou ou un marginal, isolé dans la campagne française du début du XXème siècle où persistent des cultes de la fertilité, des rites agraires et des pratiques de guérison magique. Néanmoins, sous le poids de l’Église et du progrès, la réalité mythique disparaît. Le Facteur Cheval « propose un véritable culte poétique de la nature [soit] une autre manière de lire le monde et de le vivre » 15. À cette époque l’art aspire à se renouveler en intégrant des éléments des arts dits primitifs (Afrique, Océanie) ou s’imprègne des techniques orientales (« japonisation »). Son travail comme celui de Gauguin est empreint de primitivisme mais lie le magique au monde des paysans 16. Le Facteur Cheval, héritier de l’art fantastique et des jardins de Hirschfield, moins connu que le douanier Rousseau, n’a jamais eu accès à la culture artistique et se place hors des courants de son temps.
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Incidences | Le Facteur Cheval a influencé indirectement de nombreux mouvement artistiques (Cobra, nouveau réaliste, expressionnisme, figuration libre). Cinquante ans plus tard de nombreux artistes hors norme possèdent une réputation internationale (Chaissac, Dubuffet, Iris Lhert, Robert Combas). Le piéton d’Hauterives ne fut pas reconnu de son vivant malgré les écrits de Breton qui voit un souffle surréaliste animer les intentions du Facteur (1932) 17 ou faisant l’éloge du chercheur de pierre (extralucide) aux formes allusives(1957) 18. Beaucoup ont vu le curieux et le « folklore » dans le Palais Idéal et moindrement une valeur artistique. Son influence est elle-même peu reconnue à ce jour. Finalement, Cheval a permis aux « prolétaires » et aux exclus d’accéder au monde fermé de l’art. Son travail annonçait des courants tels que l’art brut, l’hors norme, le surréalisme, l’art du bricolage et du détournement d’objet 19.
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1 26m=85.28 pieds, 14m=45.92 pieds, 10m=32.8 pieds, 12m=39.36 pieds, 8m=26.24 pieds. 2 F. CHEVAL. Le palais idéal d’Hauterives et son architecte, Hauterives, Article paru dans la vie illustrée, 10 novembre 1905. 3 Pierre CHAZAUD. Du Facteur Cheval à l’art moderne : Petit guide de l’art insolite (1880-1980). Saint Peray, Ed. du Mandala-La Corniche-Toulaud, 1991, p11. 4 JOUVE, Jean-Pierre PRÉVOST, Claude PRÉVOST, Clovis. Le palais idéal du facteur Cheval : quand le songe devient réalité, Paris, Ed. Du Moniteur, Collection « Les bâtisseurs inspirés », 1981, 303p. 5 Ibid, p182. 6 CHAZAUD, Pierre. Du Facteur Cheval à l’art moderne : Petit guide de l’art insolite (1880-1980), Saint Peray, Ed. du Mandala-La Corniche-Toulaud, 1991, 33p. 7 Ibid., p13. 8 J.-P. JOUVE, Claude PRÉVOST, Clovis PRÉVOST. Op. cit., p276. 9 J.-P. JOUVE, Claude PRÉVOST, Clovis PRÉVOST. Loc. cit. 10 J.-P. JOUVE, Claude PRÉVOST, Clovis PRÉVOST. Loc. cit. 11 DELACAMPAGNE, Christian. Outsiders, fous, naïfs et voyants dans la peinture moderne (1880-1960), Paris,Ed. Mengès, 1989, 148p. 12 F. CHEVAL. L’ histoire du Palais Idéal édifié à Hauterives, Cahier de décembre 2001, Hauterives. 13 « je marchais très vite, lorsque mon pied accrocha quelque chose qui m’envoya rouler quelques mètres plus loin. […] Je fus très surpris de voir que j’avais fais sortir de terre une espèce de pierre à la forme si bizarre […] je regardais autour de moi […] elle n’était pas seule » F. CHEVAL. Lettre de 1897. 14 J.-P. JOUVE, Claude PRÉVOST, Clovis PRÉVOST. Op. cit., p241. 15 Ibid. p168-169. 16 CHAZAUD, Pierre. Op. cit. p16-18. 17 A. BRETON. Le Revolver à cheveux blancs, 1932. 18 « La recherche des pierres disposant de ce singulier pouvoir allusif […] détermine le passage rapide de ceux qui s’y adonnent à un état second, dont la caractéristique essentielle est l’extra lucidité » A. BRETON. Langues de pierres, Extrait de la revue Le surréalisme même No.3,1953, p62-69. 19 CHAZAUD, Pierre. Op. cit. p16-18.
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Bibliographie | BONCOMPAIN, Claude. Le Cheval Facteur : piéton de Hauterivess, Valence, Ed. Le Bouquin-Peuple Libre, 1988, 79p. CHAZAUD, Pierre. Du Facteur Cheval à l’art moderne : Petit guide de l’art insolite (1880-1980), Saint Peray, Ed. du Mandala-La Corniche-Toulaud, 1991, 33p. DELACAMPAGNE, Christian. Outsiders, fous, naïfs et voyants dans la peinture moderne (1880-1960), Paris,Ed. Mengès, 1989,148p. FENOLI, Marc. Le palais du Facteur Cheval, Paris, Glénat, 1990, 95p. JOUVE, Jean-Pierre PRÉVOST, Claude PRÉVOST, Clovis. Le palais idéal du facteur Cheval : quand le songe devient réalité, Paris, Ed. Du Moniteur, Collection « Les bâtisseurs inspirés », 1981, 303p.
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Commentaire |
Julien Bayi
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