Artiste Wassily Kandinsky
Œuvre Composition IV (La Bataille)
Date de création 1911
Dimension 159,5 x 250,5 cm
Média Huile sur toile
   
Principales caractéristiques

Composition IV est une œuvre de transition sur le chemin de l’abstraction. Elle est composée d’un ensemble d’éléments purs qui sont en opposition et en contradiction au niveau des couleurs et du dessin. Cette œuvre, aussi appelée La Bataille, a été réalisée en février 1911. Selon certains auteurs, elle a le caractère évident d’un chef-d’œuvre. Divisée au centre par deux grands traits noirs (lances), deux cavaliers se combattent, l’épée à la main, au-dessus de l’arc-en-ciel qui apparaît dans une vallée à gauche. Au milieu se dresse une montagne bleue, surmontée d’une vaste construction cubique vide, une sorte de citadelle. Sur ses flans, apparaissent encore des petites taches rouges, figurant les toits d’un village (souvenir de Murnau). La scène à droite, au contraire, est empreinte de calme. L’atmosphère lyrique est exprimée par un motif représentant un couple. Bref, le contraste entre le combat au ciel et la joie terrestre serait considéré comme le point de départ ou le thème de cette œuvre. Ainsi s’affirme la tension entre les impressions de bases et la volonté. Le motif du couple, qui se retrouve dans Compositions II, IV, VI et VII, serait le signe symbolique d’une foi dans la Vita Nova.

« L’ensemble est d’un effet très clair, avec beaucoup de couleurs douces se mêlant les unes aux autres (dissolution), le jaune lui aussi est froid. Cet aspect clair-doux-froid, par rapport au pointu-mouvant (guerre), est l’opposition principale du tableau. Cette opposition est plus dure (intérieurement), plus explicite, ce qui a l’avantage de produire un effet plus précis et pour inconvénient une trop grande évidence de cette précision. » (Kandinsky, Regards sur le passé, 1913).


Situation dans l’œuvre de l’artiste

L’année 1911 est marquée par les plus hauts sommets de l’art de Kandinsky, il vient de peindre sa première aquarelle abstraite en 1910. Il est à l’approche du grand tournant spirituel où il écrira Du spirituel dans l’art, dans lequel il fera toute une étude des couleurs élémentaires, de leurs significations psychiques et de leurs valeurs spatiales. La nécessité intérieure est à la base de toute l’œuvre du peintre qui doit se défaire de l’objet pour être en lien avec l’essentiel où l’art devient « L’Art pur ». S’appuyant sur la musique, il cherche pour la peinture une « science harmonique », un ordre intérieur auquel les couleurs et les formes doivent se conformer. Ces couleurs travaillent son être intérieur et agissent sur lui comme les sonorités de divers instruments. Cette période est caractérisée par un travail très soutenu où il fait une série de six Impressions, 35 Improvisations, régies par une nature intérieure et dix Compositions. Ces Compositions, dont sept ont été peintes de 1909 à 1913, sont des élaborations beaucoup plus concertées et ambitieuses, longuement travaillées qui se caractérisent par un rythme conquérant, une cohésion soutenue des plages de couleurs et des traces. C’est l’époque marquante du passage du figuratif au non figuratif, où l’on voit la dématérialisation s’accentuer. La musique de Wagner a hautement influencé le peintre à cette période dite dramatique (1910-1919). Dans la première partie de cette période, Kandinsky prendra des couleurs très violentes, ainsi que des couleurs fortes et lumineuses. C’est l’année où il se lie avec Klee, Macke et correspond avec Delaunay. L’œuvre Composition IV précède Composition V qui a été rejetée par le public. Kandinsky se lie alors avec Marc pour créer le groupe du Cavalier bleu, groupe avec qui il fera une série d’expositions de son nouvel art. C’est donc une année marquante.

 

Situation dans son contexte

Kandinky, peintre russe, a été très influencé par le fauvisme; la couleur prendra dans son œuvre toute une signification particulière. L’influence du cubisme est déterminante dans son passage à l’abstraction. La démarche de Kandinsky diffère de celle de cubistes tels Cézanne ou Mondrian qui tentaient d’extraire de l’objet les figures géométriques ou de dégager ses lignes de force. Cette démarche très ambitieuse est concrète et objective. L’art de Kandinsky ne reproduit rien de ce qui existe. Tout est pris dans sa totalité. Pour lui, l’origine de l’œuvre est cosmique, une résultante de l’intuition et de la logique. Composition IV a été réalisée dans le contexte précédant l’éclatement de la guerre mondiale de 1914. Dans ces années, on sent très bien dans son œuvre l’influence de ce contexte particulier. Plusieurs auteurs feront d’ailleurs le rapprochement de certaines de ses compositions, plus précisément Composition VI, en interprétant chez Kandinsky une prémonition à l’éclatement de ce conflit.

 

Incidences

Kandinsky a libéré l’art du propos traditionnel consistant à offrir une représentation de la réalité visible. Son étude rigoureuse dans les séries Improvisations et Compositions a servi à libérer la voie vers l’abstraction. Composition IV représente un pas significatif sur ce nouveau chemin de la libération de l’objet et de la couleur dans une communion avec l’essence même de la vie. Il n’en demeure pas moins que le peintre a travaillé de façon conséquente avec des moyens d’expression abstraits. On considère aujourd’hui Kandinsky comme le pionnier de l’art abstrait. C’est par lui, entre autres, que la page est tournée entre l’art traditionnel, l’art de la renaissance et l’art de l’avenir qu’il appelle lui-même l’art absolu.

 

Bibliographie

BECKS-MALORNY, Ulrike. Vassily Kandinsky, Taschen, Cologne, 1999, 199 p.

BILL, Max. Wassily Kandinsky, Maeght, éditeur, Paris, 1951, 178 p.

« Découvrons l’Art du XXe siècle », Kandinsky, Éditions Cercle d’art, vol. 3, Paris, 1994, 64 p.

LACOSTE, Michel. Kandinsky, Flammarion, Italie, 1979, 96 p.

LASSAIGNE, Jacques. Wassily Kandinsky, XXe siècle, Édition F. Hazan, Paris, 1984, 136 p.

LASSAIGNE, Jacques. Kandinsky, Éditions Albert-Skira, Genève, 1913, 131 p.

« Musée national d’art moderne », Kandinsky, trente peintures des musées soviétiques, Paris, 1979, 89 p.

 

Commentaire

Ginette Létourneau

 

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