Artiste Marc Aurèle de Foy Suzor-Coté
Œuvre Habitations sur la colline
Date de création 1909
Dimension 58,4 x 73 cm
Média Huile sur toile
   
Principales caractéristiques

Marc Aurèle de Foy Suzor-Coté figure parmi les peintres québécois qui ont marqué la naissance de la modernité au Québec et celle d’un esprit identitaire. Après de longs et fréquents séjours à Paris où il perfectionna son art, il rentre définitivement au pays en 1908 où il s’installe dans sa région natale d’Arthabaska. Dès lors il se donne comme mission de peindre son pays à sa manière et tout particulièrement les paysages d’hiver et les rivières gelées à la fonte des neiges. Il sera le premier artiste canadien- français à introduire ce thème auprès de ses compatriotes. Il en fera un thème majeur du renouveau de l’art au Québec après 1909. C’est à la lumière de l’œuvre Habitations sur la colline que nous illustrerons ces propos.

Réalisé en 1909 le sujet du tableau représente la campagne dans le cadre d’un paysage d’hiver. Il y a la « […] forêt, les terres déboisées, et l’établissement humain » 1 (les maisons). Un arbre au tronc mince, droit et dégarni « traverse le centre du tableau sur toute la hauteur » 2 et « la forêt se devine à droite, voilée par la vapeur d’eau en suspension dans l’air […] les maisons figurent à l’arrière-plan » 3.

C’est par le traitement de la lumière sous forme d’ombre portée qu’il anime l’espace pictural et qu’il unifie son tableau. C’est aussi par les jeux d’ombres qui épaississent la silhouette des collines et qui se referment sur la forêt dans un tourbillon apparent de taches colorées qui semblent virevolter. Le sujet se perd derrière cet éclatement de taches colorées pour se confondre avec l’air ambiant. Cette impression est renforcée par la façon de traiter la lumière au premier plan avec tant de vivacité que notre attention est détournée des habitations perchées sur la colline.

Ici comme dans tant d’autres œuvres à venir il procède « […] par assemblage de plans et d’espaces juxtaposés, en l’absence de véritable point focal » 5. Au premier plan l’immense surface de neige irisée de bleu et bordée par la forêt à droite est fermée par un second plan qui est construit par l’emploi de larges touches blanches, épaisses et granuleuses parsemées de taches colorées et estompées figurant les habitations. Comme l’affirme Laurier Lacroix « Ce travail de synthèse de l’iconographie rurale consacre la primauté de la lumière et de l’espace bidimensionnel, qualités proprement picturales, au détriment de la narration. » 6

Enfin parlant de cette œuvre Guy Boulizon écrit « Pour beaucoup le vrai paysage,"c’est le paysage pur." Il devient une fin en soi, où, grâce à un sujet plus ou moins prétexte, ce sont les jeux de lumière, les arabesques, rapports de plans, les tensions ou l’équilibre des masses qui sont importantes. » 7


Situation dans l’œuvre de l’artiste

L'œuvre est exécutée en 1909 au cours de la même année que Paysage d’hiver considérée comme étant l’œuvre la plus importante de l’artiste jusqu’à ce jour. Avant son retour définitif de France en 1908 ses « Premiers paysages de neige Suzor-Coté s’apparentent à la tradition plus spécifiquement française.» 8 comme dans Cernay sous la neige (1899). Avec Habitations sur la colline il amorce une longue carrière de peintre paysagiste qui rompt avec la discipline des académies à laquelle il était resté fidèle. Par le choix et le traitement du thème et par les techniques employées il réoriente sa pratique de l’art .C’est une œuvre qui marque un tournant dans son cheminement artistique. Dès lors, il s’emploie à traduire aux moyens de techniques empruntées aux impressionnistes ses sensations visuelles et la lumière. A partir de 1909 ces valeurs picturales seront à la base de son esthétique et il développe un langage et une conception de la peinture de paysage qui lui est propre. Par le choix de sa palette claire, par son utilisation des touches déliées et des traits larges, par sa recherche permanente de transposer en pigments colorés ses sensations visuelles et la lumière ambiante il sera à sa manière impressionniste.


Situation dans son contexte

Il est le premier à initier les Québécois à l’impressionnisme et à faire sentir le besoin de développer un langage et une iconographie qui s’éloignent des dictats de l’académisme. Il n’y a pas à cette époque d’originalité dans l’art au Canada. La formation des artistes et la pratique sont encore marquées par la tradition académique. C’est le règne de la peinture d’histoire (Charles Huot) et de la décoration des églises (Joseph-Thomas Rousseau, Ozias Leduc). Avec la peinture de paysage, c’est à la manière des écoles anglaises et hollandaises du milieu du XIXè siècle que les peintres immortalisent les paysages canadiens. Il suffit de penser aux œuvres de Krieghoff (voir annexe1) teintées de pittoresque folklorique, à celles d’un Horatio Walker (voir annexe2) attaché aux principes de l’École de Barbizon, aux scènes croquées par Henri Julien ou aux œuvres d’Edmond Dyonnet. Enfin « De manière générale, entre 1900-1910 la peinture québécoise demeure conventionnelle. » 9 Par sa recherche de luminosité et sa capacité à rendre la beauté particulière de son pays, Suzor-Coté est de ceux avec lesquels commencent l’aventure du paysage moderne au Québec : « C’est une véritable peinture québécoise qui est en train de naître. » 10

 

Incidences

La contribution de Suzor-Coté à l’élaboration d’une peinture vraiment québécoise a été longtemps oubliée voir sous-estimée. Si de son vivant l’œuvre originale de l’artiste a été reconnue outre frontières et qu’il fut le premier artiste au Québec à pouvoir vivre de son art, l’avènement de l’abstraction en peinture dans les années quarante et la naissance d’un nouveau nationalisme l’on relégué aux oubliettes. Ses œuvres étaient alors considérées comme trop passéistes. Pour cette génération, l’œuvre de Suzor-Coté est confondue avec celle des peintres qui ont exagéré la description de la vie paysanne québécoise en surchargeant leurs tableaux de détails ou d’anecdotes.

Pourtant à partir de 1909 il a introduit l’impressionnisme auprès de ses compatriotes, donné à la peinture de paysage un caractère québécois et fait des paysages d’hiver le thème par excellence pour traduire les beautés caractéristiques du Québec et sa culture particulière. C’est là l’exceptionnelle contribution de Suzor-Coté à l’éclosion d’une peinture vraiment québécoise. Le thème du paysage connaîtra une popularité qui ne se démentira plus et sera, avec la vie rurale, prédominant dans l’art au Québec entre 1910-1940. Enfin ses recherches et celles de Maurice Cullen influenceront certains artistes à se regrouper pour créer à leur manière un art canadien. (Le Groupe des Sept).

 

Annexe

1 Laurier LACROIX. Suzor-Côté : lumière et matière. Québec, Québec, Musée du Québec; [Montréal] Éditions de l’Homme; Ottawa, Musée des Beaux –arts du Canada, 2002, p.178.

2 Ibid., p.178.

3 Ibid., p.178.

4 Ibid., p. 198.

5 Ibid., p. 198.

6 Ibid., p. 178.

7 Boulizon, Guy. Le paysage dans la peinture au Québec vu par les peintres des cent dernières années. La Prairie, Éditions Marcel Broguet, 1984, p.14.

8 Ostiguy, Jean-René. Les esthétiques modernes au Québec de 1916 à 1946. Ottawa, Galerie Nationale du Canada, 1982, 168p. Catalogue d’une exposition itinérante qui s’est tenue entre autres, à la Galerie Nationale du Canada, Ottawa. p. 8.

9 Bernier, Robert. Un siècle de peinture au Québec : nature et paysage. Montréal, Éditions de l’Homme, 1999, p.18.

10 Boulizon, Guy. Le paysage dans la peinture au Québec vu par les peintres des cent dernières années. La Prairie, Éditions Marcel Broguet, 1984, p. 84


Annexe 1 & 2
Krieghoff
Scène d’hiver

http://www.museevirtuel.ca/
Krieghoff
Paysage d’hiver

http://www.museevirtuel.ca/
Horatio Walker
Noce canadienne


http://www.museevirtuel.ca/
Horatio Walker
Les contrebandiers


http://www.museevirtuel.ca/

Bibliographie

Bernier, Robert. Un siècle de peinture au Québec : nature et paysage. Montréal, Editions de l’Homme, 1999, 351p.

Boulizon, Guy. Le paysage dans la peinture au Québec vu par les peintres des cent dernières années. La Prairie, Éditions Marcel Broguet, 1984, 223p.

Harper, John Russell. La peinture au Canada : des origines à nos jours. Québec, Presses de l’Université Laval, 1966, 442p.

Hubbard, R.H. L’évolution de l’art au Canada. Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1964, 137p.

Hubbard. R.H (Robert Hamilton) Three hundred years of Canadian art/Trois cents ans d’art canadien. Exposition organisée à l’occasion du centenaire de la Confédération. Catalogue par R.H.Hubbard et J.R Ostiguy. Ottawa, National Gallery of Art, 1967, 254p.

Jouvencourt, Hugues de. Suzor-Coté. Montréal, Stanké, 1978, 235p.

Karel, David. Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord : peintre, sculpteurs, dessinateurs, graveurs, photographes et orfèvres. Québec, Musée du Québec et Presses de l’Université Laval, 1992, 962p.

Lacroix, Laurier. Suzor-Côté : lumière et matière. Québec, Québec, Musée du Québec; [Montréal] Éditions de l’Homme; Ottawa, Musée des Beaux –arts du Canada, 2002, 382p.

Mellen, Peter. Le groupe des Sept. La Prairie, Éditions Marcel Broguet, 1980, 231p.

Mellen, Peter. Landmarks of canadian art. Toronto, McClelland and Stewart, 1978, 260p.

Musée du Québec. L’art du paysage au Québec (1800-1940) Ministère des affaires culturelles, Musée du Québec. Québec, Le Musée, 1978, 145p.

Ostiguy, Jean-René. Les esthétiques modernes au Québec de 1916 à 1946. Ottawa, Galerie Nationale du Canada, 1982, 168p. Catalogue d’une exposition itinérante qui s’est tenue entre autres, à la Galerie Nationale du Canada, Ottawa.

Ostiguy, Jean-René. Marc Aurèle de Foy Suzor-Coté. Le paysage d’hiver/ Winter landscape. Ottawa, Galerie Nationale du Canada, 1978. Collection Chefs d’œuvres de la Galerie nationale no.12, 30p.

Robert, Guy. La peinture au Québec depuis ses origines. Montréal France-Amérique, 1985, 3e édition, 221p.

Viau, Guy. La peinture moderne au Canada français. Québec, Ministère des affaires culturelles, 1964, Collection Art, vie et sciences au Canada français, 93p.

Cantin, David. Suzor-Coté : le moderne qui s’ignore. Le Devoir, édition du samedi 12 et dimanche 13 octobre 2002.
http://www.ledevoir.com/2002/10/12/11093.html

Suzor-Coté 1864-1937 lumière et nature.
http://cybermuse.gallery.ca/cybermuse/search/artwork_f.jsp?mkey=10216

http://video.telequebec.tv/catalogue/affiche_info_serie.asp?codeSerie=316

http://www.mcq.org/objets/fichier_collections/p08.htm

http://www.peinturequebec.com/peinture4/francais/histo/artistes/suzor/suzor_p.html

http://www.ec.gc.ca/Water/fr/culture/ident/f_neweye.htm

http://collections.ic.gc.ca/rondes/html/expos/art_canadien/exp_ac_008.html

http://radio-canada.ca/culture/expositions/v2/200210/29/001-suzor.asp

http://www.museevirtuel.ca/PM.cgi?LM=MUQU34.262

http://www.museevirtuel.ca/PM.cgi?LM=MBAM25686

http://www.museevirtuel.ca/PM.cgi?LM=MUQU34.531

http://www.museevirtuel.ca/PM.cgi?LM=MUQU34.534


Commentaire

Delphine Robin

 

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