Artiste Henri Matisse
Œuvre La Joie de vivre
Date de création 1905-1906
Dimension 174 x 238 cm
Média Huile sur toile
   
Principales caractéristiques

Cette œuvre témoigne d’une multitude de tons contrastés, autant chauds que froids, qui s’accordent néanmoins les uns aux autres. En effet, le vert et l’orangé qui composent le feuillage des arbres viennent ressortir le jaune, le bleu et le rose du sol. La structure des formes et des lignes ondulées qui composent ce tableau crée une certaine harmonie dans cet amalgame de couleurs vives, une certaine fluidité qui rend les couleurs fortes plus douces. Les personnages de La Joie de vivre (1905-1906) se vouent aux allégories des arts (musique et danse) et aux plaisirs (beauté du corps et amour) de la vie, qui leur apportent, comme le titre lui-même l’indique, une joie de vivre. Notons également le cercle de danseurs, à l’arrière-plan, servant d’étude préparatoire au peintre pour La Danse, qu’il réalisera en 1909. Cette toile est donc un hymne à la beauté du corps, des arts et de la couleur.


Situation dans l’œuvre de l’artiste

Les première toiles de Matisse témoignent d’une représentation plutôt structurée et classique de la réalité, rehaussées toutefois de quelques couleurs chaudes (« Nature morte orange à contre-jour » (1899)). C’est lorsqu’il expose au Salon des Indépendants de 1901, présidé par Signac, que Matisse prend davantage conscience du monde des couleurs, notamment en découvrant les œuvres de Van Gogh qui y étaient exposées. C’est également lors de cet événement qu’il fait la rencontre de Maurice de Vlaminck, un jeune peintre passionné de l’œuvre de Van Gogh, tant pour la violence de ses coups de pinceaux que pour ses couleurs lumineuses, et qui se trouve être un ami d’André Derain, pour lequel Matisse s’est lié d’amitié deux ans plus tôt. Dès 1902, il se montre fort intéressé par le travail de Signac, dont le pointillisme initial se transforme en touches plus larges, tout en maintenant ses principes sur la décomposition de la couleur. Matisse peint alors Luxe, Calme et Volupté (1904), aux couleurs très prononcées qui suivent la méthode du divisionnisme, méthode qu’abandonnera Matisse très vite puisqu’il la juge trop concise, réfléchie et structurée. Mais c’est lors du Salon d’automne de 1905 que l’on assiste véritablement à une explosion de couleurs dans l’œuvre de Matisse, comme dans celle de plusieurs autres artistes, d’ailleurs. Il adopte dès lors une préférence pour les couleurs saturées, mais aussi pour les courbes et une certaine pureté pour les formes, comme on peut le constater dans La Joie de vivre, qui témoigne d’une influence totale de Gauguin pour les couleurs et d’Ingres pour la composition, et qui constitue, selon Matisse lui-même, le véritable début de son œuvre. En effet, La joie de vivre marque le début d’une série de tableaux où la couleur prédomine et où le traitement de l’image est de plus en plus lié aux sentiments du peintre, et non à la représentation exacte de la réalité.

 

Situation dans son contexte

C’est lors du fameux Salon d’automne de 1905, à Paris, qu’un certain groupe de jeunes peintres se fit découvrir : on les appela « fauves », puisque leur utilisation abusive de couleurs vives éclatées par taches ou posées en aplats formait un tel contraste avec le buste féminin en marbre de facture traditionnelle et le torse d'enfant en bronze du sculpteur Albert Marquet, placés au centre de la pièce, qu’un critique s’exclama : « C’est Donatello chez les fauves ! ». Ces peintres, c’est d’abord Henri Matisse, puis Charles Camoin, Henri Manguin, Albert Marquet, André Derain et Maurice de Vlaminck. En effet, ce serait Matisse qui aurait été le principal précurseur de ce « mouvement », car il aurait puisé son instinct de coloriste dans l’enseignement de son maître Camille Pissarro, l’un des derniers représentants de la grande saison impressionniste et postimpressionniste, dans l’influence des couleurs de Van Gogh et dans celle de l’art synthétique de son ami Gauguin. Ce mouvement, en révolte contre la méthode physique, voire même mécanique du divisionnisme des néo-impressionnistes, vise à exprimer ses sentiments en utilisant des couleurs très saturées qui ne correspondent pas nécessairement aux sujets qu’elles sont censées représenter. Mais le fauvisme en choqua plus d’un : lors de sa première exposition, La Joie de vivre fit pouffer de rire la « bonne société » en raison de ses couleurs particulières et de sa composition.

 

Incidences

Aujourd’hui, cette œuvre est considérée comme l’une des sources même de l’art du XXe siècle, au même titre que Les Demoiselles d’Avignon de Picasso. En effet, Matisse, avec son utilisation de couleurs fortes et de traits longs et courbés aura d’abord influencé ses acolytes Derain et Vlaminck, puis des peintres expressionnistes et même surréalistes. Effectivement, tout comme dans La Joie de vivre, la célèbre toile de Dali, Persistance de la mémoire (1931), aborde, des formes aux traits longs, fluides et ondulés…

 

Bibliographie

DUROZOI, Gérard. Matisse : les chefs-d’œuvre, paris, Éditions Hazan, 1989, 138 pages.

FERRIER, Jean-Louis. Les Fauves : le règne de la couleur, Paris, Éditions Pierre Terrail, 1992, 223 pages.

Histoire universelle de l’art, Paris, Éditions Solar, 1988, 640 pages.

NÉRÊT, Gilles. Henri Matisse, Paris, Éditions Taschen, 1996, 256 pages.


Commentaire

Joëlle Bernard

 

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